lundi 11 octobre 2010

Le Liban contemporain

Le discours des libanais sur eux-mêmes ne facilite pas la tache de l’observateur et de l’historien. Les libanais sont, en effet, tous très fortement attachés à leur Liban, à quelque communauté qu’ils appartiennent. Mais ils sont, en même temps, capables de dénigrer férocement leur pays, leur Etat, leur société ; de ne pas prendre au sérieux l’existence de ce Liban qu’ils adorent, de ne pas y croire. L’indépendance acquise en 1943 ne serait que le résultat des manigances coloniales anglaises contre la présence française au Levant. Chaque libanais a aussi tendance à penser que la communauté à laquelle il appartient est victime de la méchanceté et la trahison des autres communautés. Pourtant, il garde, en général, même dans l’émigration, un attachement viscéral à son terroir ; Il reste fier d’être libanais, d’appartenir à ce mythe, à ce pays mirage, insaisissable, qui depuis près de deux cents ans exporte ses fils aux quatre coins du monde, comme si l’émigration était une fatalité. Que le libanais se dise Levantin, Phénicien, arabe, qu’il mette en avant, au contraire, son christianisme ou son islam, dans ses multiples variantes, il reste fier de son appartenance. Peu importe que leur appartenance soit complexe, fluide, peu apte à être définie de façon rationnelle et structurée, ait le caractère d’un labyrinthe, les libanais, si critiques soient-ils de leur existence collective, nationale, étatique, sociale, sont fier d’appartenir à cette terre.

Ils considèrent qu’ils ont été les ferments de la renaissance de la langue et de la culture arabe au XIXème siècle, les vecteurs de l’introduction de la modernité en Orient, mais aussi de la connaissance de l’Orient en Occident par les liens que leurs éminents savants, le plus souvent prêtres du clergé maronite, ont entretenu avec l’Italie de la renaissance et la France de Louis XIV. Les Libanais appartenant aux communautés chrétiennes sont fiers en outre d’avoir préservé vivant le christianisme oriental, celui de l’Eglise byzantine ou des Eglises syriaques, alors que le christianisme occidental s’est coupé de ses sources historiques qui sont en Orient. Cette fierté qui caractérise la plupart des Libanais chrétiens, est partagée par de nombreux musulmans qui voient dans leur terre libanaise une spécificité forte par rapport aux autres sociétés du Moyen-Orient. Ils ont au cours des siècles assumé une vie commune avec les Chrétiens, traversé ensemble les crises, les invasions, les dominations qui ont marqué l’histoire de la région, la dernière étant la France succédant à l’empire Ottoman. La mixité a été au Liban plus forte qu’ailleurs, dans les villes comme dans les villages. La mosquée au Liban existe aux cotés des Eglises.

Georges Corm

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Histoire et société


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